Film claustrophobe à la limite de l’obsession esthétisante. Une expérience visuelle et auditive forte mais quid de la narration ?
Berberian Sound Studio (2012)
Ecrit et réalisé par Peter Strickland
Avec Toby Jones, Antonio Mancino, Guido Adorni,…
Directeur de la photographie : Nicholas D. Knowland
Produit par Keith Griffiths et Mary Burke
92mn
Drame / Horreur
UK
Dans les années 70, Gilderoy (Toby Jones) est un ingénieur du son anglais qui débarque en Italie où il doit travailler sur un film dont il ignore tout. Mais il est rapidement mal à l’aise avec le sujet du film (la torture et l’inquisition) et subit l’irascibilité du chef du studio (Antonio Mancino).
Le personnage principal est un ingénieur du son anglais de la fin de quarantaine, effacé et timide qui vit toujours chez sa mère dans la campagne anglaise.
Débarqué en Italie pour travailler sun un film dont il ignore le sujet, il doit affronter le côté abrupt des caractères latins et le côté très graphique du film sur lequel il doit travailler et qui se révèle donc être un film d’horreur sur la torture à l’époque de l’inquisition.
On ne verra aucune image du film en question. Nous assisterons par contre aux séances d’enregistrement où les actrices hurlent dans leur cabine insonorisée seules face à leur micro et où un assistant découpe sauvagement une pastèque chaque fois qu’un membre est tranché à l’écran.
Nous ne verrons non plus aucune image de l’extérieur, sinon brièvement celles de la campagne anglaise (à travers un documentaire).
Alors que son travail devient de plus en plus pénible et ses relations avec ses collèges italiens plus difficiles, Gilderoy s’agrippe aux lettres maternelles tel un noyé à une bouée.
« Berberian Sound Studio » est un drame horrifique experimental. Le film développe une ambiance malsaine et kafkaïenne dans un endroit confiné (le studio d’enregistrement) d’où l’on ne sort quasiment jamais (sinon pour aller dans les couloirs mitoyens ou l’appartement de Gildefroy qui donne sur le studio).
Le travail sur l’image et le son est juste remarquable, transformant le visionnage du film en une expérience sensorielle. Chaque plan est travaillé avec un perfectionnisme quasi maladif.
Il est fort à parier que si l’esthétisme n’est pas votre truc au cinéma, vous allez vous ennuyer. Et si vous ne succombez pas au charme vénéneux de « Berberian Sound Studio », vous risquez de vouloir faire subir au réalisateur le même traitement que les sorcières dans les mains de l’inquisition. Surtout que même s’il y a une évolution narrative avec une remise en question de la réalité, le rythme est très lent et l’histoire moyennement compréhensible.
Toby Jones est exceptionnel dans le rôle de cet homme coincé qui sombre dans la folie. Il est très bien entouré par le reste du casting, mais cela ne suffit pas toujours à aider « Berberian Sound Studio » à passer le cap de l’essai purement contemplatif pour devenir un film qui raconte une histoire.
Le film a été intégralement tourné aux Three Mills Studios à Londres. Le jeune scénariste et réalisateur Peter Strickland signait ici son deuxième long après l’atmosphérique « Katalin Varga » (2009) et avant « The Duke of Burgundy » (2014) qui traite d’une relation SM lesbienne, toujours avec un travail très poussé sur le son et l’image.
Peter Strickland est un réalisateur à suivre, même si l’on peut trouver qu’il a tendance à se perdre dans son obsession esthétique.
[xrr rating=7/10]
DVD / Blu-ray zone 2 FR. Studio Wild Side Video. Version originale sous titrée en français et version française. Bonus : making of, scènes coupées.
Puissance et sorcellerie du son selon un cinéaste presque puritain :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/berberian-sound-studio-cris-et.html?view=magazine