Le film maudit de Nicolas Roeg sur une obsession vénéneuse, est à découvrir
Bad Timing (1980)
(Enquête sur une passion)
Réalisé par Nicolas Roeg
Ecrit par Yale Udoff
Avec Art Garfunkel, Theresa Russell, Harvey Keitel, Denholm Eliott,…
Produit par Jeremy Thomas pour Recorded Picture Company et The Rank Organization
Drame
123 mn
UK
A Vienne, une jeune américaine Milena Flaherty (Theresa Russel) est transportée à l’hôpital après une surdose de médicaments. Un détective de police (Harvey Keitel) est intriguée par le comportement du Docteur Alex Linder (Art Garfunkel), chercheur en psychiatrie, qui a appelé les secours mais est plus que vague sur sa relation avec la victime.
« Bad Timing » est un film complexe et très dur sur la jalousie et l’obsession sexuelle, et sur le fait qu’on ne peut pas se débarrasser de ses propres démons en les intellectualisant. Déroutant par son montage (le film commence quasiment par la fin pour après dérouler le fil des évènements mais pas forcément dans un ordre chronologique), toutes les pièces du puzzle se ré-assemblent néanmoins à la fin comme par magie mais par le biais d’une scène qui 30 ans après avoir été tournée garde toute sa force vénéneuse. Vous êtes prévenu, « Bad Timing » n’est pas un film qui vous mettra à l’aise.
Le réalisateur Nicolas Roeg (Performance, The Man Who Fell to Earth, Don’t look now), ancien directeur photo de talent, est un spécialiste de ces films étranges, visuellement et structurellement audacieux, et à ce titre il n’est guère étonnant que sa carrière en tant que réalisateur se soit concentrée sur les années 70 et 80.
Art Garfunkel n’est pas un acteur très charismatique (euphémisme) mais son côté très intellectuel convient bien au personnage fuyant, effacé et parfaitement détestable du Dr Linden. Theresa Russell est excellente en jeune femme sur le fil du rasoir, fascinée par le Dr Linden mais qui refuse de se donner totalement et d’être l’objet de ce dernier. Harvey Keitel est également très bon dans son rôle de flic entêté qui, en l’absence de preuves tangibles, tente de pousser Dr Linden aux aveux. Dommage néanmoins que Denholm Eliott ne soit pas plus présent en tant que mari de Milena, et l’un des centres de l’obsession du personnage interprété par Garfunkel.
La musique utilisée par le cinéaste est remarquable et parfaitement dans l’ambiance du film. Loin d’être illustrative, elle renforce les moments forts de l’histoire. Le film s’ouvre sur un morceau de Tom Waits, et comporte également des chansons de The Who et Billie Holliday, de la musique marocaine ou encore un extrait du concert de Köln de Keith Jarrett qui sublime la séance de retrouvailles entre Milena et le Dr Linden.
Vienne sert de décor froid, déstabilisant, sur fonds de guerre froide, qui est en choc frontal avec la virée amoureuse des héros au Maroc.
Le film, renié par la légendaire Rank qui le produisait (l’un des responsables de la Rank aurait qualifié « Bad Timing » de film conçu par des esprits malades pour d’autres esprits malades ») avait disparu de la circulation, mais est aujourd’hui disponible dans une très belle édition chez Criterion (en zone 1 mais avec des sous titres anglais et des bonus). MAJ : le film est désormais disponible en blu-ray et DVD français chez Potemkine Films.
Si vous appréciez les histoires d’amour vénéneuses, il serait dommage de passer à côté de « Bad Timing ».
A lire : un article de The Guardian de 2000 où Nicolas Roeg parle de « Bad Timing »
DVD zone 2 FR. DVD ou blu-ray FR. Studio Potemkine Films (2015). Version originale sous-titrée en français. Bonus : Entretien avec le critique Jean-Baptiste Thoret (19′)