La sombre fable d’Orwell devient en 1954 le premier chef d’oeuvre de l’animation britannique. Une charge anti-communiste et anti-totalitaire efficace !

La ferme des animaux (1954)

Animal Farm (1954)

(La ferme des animaux)

Réalisé par Joy Batchelor et John Halas

D’après le roman de George Orwell

Avec Gordon Heath et Maurice Denham

Directeur de l’animation : John R. Reed

Musique : Matyas Seiber

Produit par Joy Batchelor et John Halas

Animation

72mn

UK

« Lassés des mauvais traitements, les animaux de la Ferme du manoir se révoltent contre Mr Jones, le fermier. Ils le chassent et proclament une nouvelle société où tous les animaux sont égaux. Mais quelques uns dans la ferme décident bientôt que certains sont plus égaux que d’autres… »

La ferme des animaux - affiche (1954)Sorti en 1954 sur les écrans britanniques, « The Animal Farm » est un film d’animation adapté de la fable classique signée George Orwell et publiée neuf ans plus tôt.

Un choix étonnant pour un sujet de dessin animé car le court roman d’Orwell (sous-titré ironiquement « Un conte de fée ») est une charge politique pour le moins virulente contre les dérives du rêve communisme (et plus largement contre la menace totalitariste).

Et de fait voici un dessin animé très sombre qui fait passer le plus noir des Disney pour une gentille pochade. A part un caneton jaune qui est le seul élément un tant soit peu comique du film, les animaux ne font pas l’objet d’un traitement sentimentaliste. Les cochons (qui représentent les bolchéviques et sont menés par l’affreux Napoléon c’est à dire Staline !) sont cruels à souhait et exploitent sans merci les animaux de la ferme (comme les humains avant eux).

Noir c’est noir. D’ailleurs dans « The Animal Farm », même les couleurs sont comme recouvertes par un filtre gris.

Les dessins, sans avoir la richesse de détails d’une production Disney (l’année précédente le studio américain sortait « Peter Pan » mais avec des moyens autrement plus importants !), sont remarquables et ont une vraie personnalité. De son côté, la réalisation est dynamique et inventive. Son ton très noir le destine plus aux adolescents et aux adultes qu’aux jeunes enfants, mais en tout cas ce long métrage d’animation britannique est un chef d’oeuvre et l’un des plus grands films d’animation que l’Europe est produite.

Si la narration opte (dans la version originale) pour le ton un peu guindé du journal télévisé de l’époque (et a donc vieilli), toutes les voix et cris divers et variés des personnages (humains et surtout animaux) sont interprétées par un seul homme, le génial acteur, Maurice Denham. Celui-ci s’est fait remarqué d’abord à la radio, notamment dans le show « Much Binding in the Marsh » où il interprétait une soixantaine de personnages à lui tout seul. Il a à son actif une longue carrière à la télévision et au cinéma qui s’est étendue de 1938 à… 1997 !

« The Animal Farm » est un projet pour le moins ambitieux né de la volonté d’un producteur américain Louis De Rochemont qui était bien sûr intéressé par le ton anti-communiste de l’oeuvre d’Orwell. C’est lui qui approchera le studio Batchelor & Halas qu’il chargera de la conception du film. Certains ont cru y voir la main indirecte de la CIA, désireuse de diffuser la propagande anti communiste en Europe. C’est aussi à cause de ce ton anti communiste que « The Animal Farm » restera longtemps invisible en France et ne sera diffusé qu’après la chute du mur de Berlin au début des années 90 ! Bon, les Français n’ont peut-être pas non plus apprécié que le cochon dictateur qui s’appelait César dans le texte d’Orwell, soit ici rebaptisé Napoléon !

La principale concession au ton très noir du livre est la fin édulcorée voulue par le producteur américain (et qui marque une pointe d’espoir dans le futur en annonçant de façon métaphorique la révolte du peuple russe contre Staline).

Le studio Batchelor & Halas a été fondé pendant la guerre en 1940 par l’Anglaise Joy Batchelor et le Hongrois John Halas. Ils ont d’abord commencé par faire des publicités puis des films de propagande au titre de l’effort de guerre. A la fin de la guerre, ils se lancèrent dans des expérimentations originales au style très différents, utilisant notamment la 3D ou le stop motion.

« The Animal Farm » est un chef d’oeuvre à découvrir. En France, on a de la chance que l’éditeur Malavida se soit suffisamment intéressé au film pour sortir un DVD de qualité avec une copie remastérisée et pas avare en bonus.

DVD zone 2 FR. Studio Malavida Films. Version originale sous-titrées en français et version française. Bonus : Making of « Stay Tooned », produit par la BBC (29′), Commentaire audio de l’historien du cinéma Brian Sibley, Esquisses de travail commentées, Story-board original, Dossier pédagogique (anglais/français), Diaporama commenté sur la production du film, Revue de presse (en anglais); Bande-dessinée tirée du film (en anglais), Extraits d’autres oeuvres de Halas et Batchelor (15′)