Review of: Abigail's Party
Comédie:
Mike Leigh

Reviewed by:
Rating:
4
On 17 janvier 2014
Last modified:16 septembre 2020

Summary:

Du théâtre de boulevard subversif et hilarant. Un classique d'humour noir corrosif.

Du théâtre de boulevard subversif et hilarant. Un classique d’humour noir corrosif.

Abigail' s Party de Mike Leigh

Abigail’s party (1977)

Réalisé et conçu par Mike Leigh

Avec Alison Steadman, Tim Stern, Janine Duvitski, John Salthouse, Harriet Reynolds,…

Diffusé sur BBC1 le 1er novembre 1977

Produit par Margaret Matheson pour l’anthologie Play For Today

Comédie

102 mn

UK

Beverly (Alison Steadman) a prévu une petite soirée entre amis avec un couple de voisins qui vient d’arriver et une autre voisine divorcée, Sue, dont la fille de 15 ans Abigail organise une petite fête ce même soir. Mais la tension grandit au fil de la soirée… jusqu’au drame.

Du théâtre de boulevard subversif ça existe ? Oui, et Mike Leigh s’il ne l’a peut-être pas inventé en a livré un superbe exemple. « Abigail’s party » est un classique d’humour noir corrosif rempli de moments cultes. Un peu « Le Père noël est une ordure » sauce british si vous voulez.

« Abigail’s party » est l’histoire de deux jeunes couples particulièrement mal assortis, et tous deux mariés depuis trois ans. Beverly est une femme délurée, sur-maquillée, subtile comme un dix tonnes, aux goûts très populaires et qui aime les hommes virils alors que son agent immobilier de mari est un petit moustachu nerveux qui aurait rêvé d’être un artiste et ne jure que par la musique classique et les impressionnistes. En face d’eux Angela, une infirmière mal fagotée, bavarde et niaise et son mari Tony,  un ancien footballer professionnel, taciturne et à la violence à peine retenue. Enfin Sue, divorcée et mère de deux enfants, se retrouve en fâcheuse position entre ces couples qui se déchirent devant elle et la prennent à partie.

« Abigail’s party » est savoureux. Les comédiens sont parfaits dans leurs rôles, les dialogues et situations sont improvisés, comme souvent chez Mike Leigh, et ils ont été ici peaufinés par une centaine de représentations théâtrales. Tout est réglé au millimètre près.

Angela et surtout Beverly sont tellement insupportables qu’on crierait presque à la misogynie si les personnages masculins ne respiraient la frustration et la colère vis à vis de leur propre médiocrité et de leur couple raté. Comme souvent chez Leigh, on sent également des tensions sous-jacentes entre les personnages  (chacun arrive avec un bagage et une histoire personnelle construits très précisément par les acteurs et Leigh, ce qui assure un vrai réalisme aux situations). Auprès de ces personnages insupportables, Sue (pourtant divorcée et donc socialement fragilisée) est en fait une projection du public, une bouée à laquelle se raccrocher.

Mike Leigh a créé « Abigail’s party » pour répondre à une commande d’un théâtre d’Hampstead.  Avec comme seul point de départ le fait qu’il avait droit à cinq comédiens et qu’il devait créer un spectacle en partant de rien en… dix semaines ! La première a eu lieu en avril 1977 et ce fut un triomphe.

La productrice Margaret Matheson approcha alors Mike Leigh pour qu’il en filme une adaptation dans le cadre de la  fameuse anthologie Play For Today (pour laquelle il avait fait ses débuts à la télévision en 1973 avec « Hard Labour »).

Un cauchemar pour Mike Leigh qui découvre les contraintes d’une réalisation 100% studio avec un minimum de temps et doit jongler entre cinq caméras et un éclairage foireux : « C’était comme conduire un énorme camion à travers un village à 200 km/h sans pouvoir s’arrêter et s’excuser auprès des gens qu’on venait d’écraser ! C’était horrible ».

Si dès la première diffusion, « Abigail’s party » connait un beau succès, c’est un concours de circonstance qui va en faire un grand classique ! Lors d’une rediffusion le 7 août 1979, « Abigail’s party » est diffusé face à un programme intello sur BBC 2…. tandis que ITV est en grève. Seize millions de britanniques regardent « Abigail’s party » ce soir là.

Pour Mike Leigh le succès du téléfilm est à double tranchant. L’oeuvre qui lui donne une visibilité inouïe est également celle dont il est le moins fier en tant que cinéaste. Pas évident alors à assumer pour Leigh qui rêve de revenir sur grand écran depuis son premier film « Bleak moments » en 1971. Il lui faudra finalement attendre jusqu’en 1988 !

[xrr rating=8/10]

DVD Doriane Films. Version originale sous titrée en français. Disponible dans le coffret « Mike Leigh, l’intégrale BBC «