Un couple avec un enfant plongé dans un état végétatif se déchire. Un sujet délicat traité sans fard mais avec l’humour du désespoir.
A day in the death of Joe Egg (1972)
Réalisé par Peter Medak
Ecrit par Peter Nichols d’après sa pièce
Avec Alan Bates, Janet Suzman, Peter Bowles, Sheila Gish, Joan Hickson, Elizabeth Robillard,…
Directeur de la photographie : Ken Hodges / Direction artistique : Ted Tester / Montage : Ray Lovejoy
Produit par David Deutsch pour Columbia (British) Productions
Comédie dramatique
UK
Un jeune couple vivant à Bristol, Bri (Alan Bates) et Sheilla (Janet Suzman), essaient comme ils peuvent de s’occuper de leur fille Jo (Elizabeth Robillard). Sous l’humour noir qu’ils utilisent, se cache un vrai désespoir.
Bri (Alan Bates), un professeur, essaie de remettre de la discipline dans sa classe d’adolescents, leur fait la morale, les oblige à se tenir debout et à rester silencieux, puis rentre chez lui. Dans sa vieille voiture, il passe devant les lumières de Noël du centre ville. Pendant tout ce temps, des visions de sa femme nue lui viennent à l’esprit.
Une fois chez lui, sa femme Sheila (Janet Suzman), comédienne amateur, l’attend avec le thé déjà prêt. Bri lui fait une blague puérile avec une fausse araignée qu’il a confisquée à un élève. Il essaie de la convaincre de faire l’amour, mais Sheilla refuse.
La sonnerie de la porte retentit. On leur apporte leur fille Jo, qui est dans un état végétatif. Ils se mettent alors à parler à leur fille en jouant la comédie et en l’impersonnifiant.
Durant la première partie, l’histoire du couple et de Jo est contextualisée par des flashbacks sur la grossesse de Sheilla, le moment où le couple se promène sur la plage et où il se rend compte que leur bébé a un souci. Puis Bri joue le médecin qui leur a annoncé l’état de leur fille ou le prêtre irlandais qui prétend pouvoir peut-être la sauver. Autre épisode : celui où ils ont tenté de déposer leur fille dans un institut spécialisé.
Evidemment, Bri et Sheilla, s’ils se rejoignent par un regard humoristique, né du désespoir de la situation, ont deux façons différentes de voir les choses et de gérer leur douleur. Pour Bri il n’y a aucun espoir que la situation de sa fille s’améliore et il fantasme parfois sur sa mort, quitte à se transformer lui-même en meurtrier. Alors que Sheilla s’accroche au moindre espoir, au moindre signe.
Quand Sheilla craque pendant les répétitions d’une pièce, son ami Freddie (Peter Bowles), suivi à reculons par sa femme Pam (Sheila Gish), décide d’avoir une discussion avec Bri. Mais la soirée, à laquelle est présente également la mère de Bri, Grace (Joan Hickson), va encore creuser les antagonismes entre les différents personnages et le couple Bri/Sheilla.
« A day in the death of Joe Egg » est un scénario très personnel du dramaturge et scénariste Peter Nichols, tiré de sa pièce du même nom. Il y racontre comment il a élevé un enfant dans un état végétatif. Au lieu d’en faire un drame, il a voulu donner une vision personnelle, et « Joe Egg » est, contre toute attente, une comédie. Triomphe public inattendu au théâtre à Glasgow où elle est créée en mai 1967, la pièce est ensuite jouée à Londres (avec le casting original) puis portée à Broadway sous l’impulsion et avec Albert Finney dans le rôle de Bri.
Nichols est très critique envers le film de Peter Medak (qui sort la même année « The Ruling Class » avec Peter O’Toole). Le scénariste trouve que la réalisation et l’interprétation virent vers le mélodrame alors que pour lui c’est avant tout une comédie. De même le choix de la maison est irréaliste à ses yeux (« il faudrait être producteur télé pour se payer une maison dans ce quartier de Bristol ! ») et il n’a pas eu son mot à dire sur le casting. Enfin, la fin semble niée à Bri la possibilité de vivre une histoire d’amour tout en élevant un enfant handicapé, ce qui n’est pas le but de Nicholas.
Si on peut comprendre la réaction de Nichols, il faut bien avouer que même l’idée de porter un tel texte sur grand écran relève d’un sacré pari. Les producteurs ont sûrement un peu trop voulu limiter le sujet à une crise de couple, et tirer quelques larmes, mais en tout cas le film ne sombre pas pour autant dans le mélodramatique à outrance. « Joe Egg » reste courageux et propose un traitement sensible d’un sujet très difficile. L’ensemble du casting, dont Alan Bates et Janet Suzman (actrice sud africaine venant du théâtre et ici dans son premier rôle sur grand écran), est excellent.
Tourné en 1970 et validé par le censeur pour une sortie réservée aux adultes (X certificate) en janvier 1971, le film ne sortira qu’en mai 1972. Pour Medak, ce délai serait dû à l’intervention du producteur Sam Spiegel qui détestait le film mais a proposé à Janet Suzman le rôle principal dans « Nicholas and Alexandra » de Schaffner et aurait exigé que ce film sorte avant « Joe Egg ».
La fille de Nichols est morte elle en mai 1971 à l’âge de 10 ans. Contrairement à Bri et Sheilla, le couple Nichols arrivera à surmonter le drame vécu avec leur premier enfant et aura par la suite trois enfants.
Combo Blu-ray/DVD UK. Studio PowerHouse Films/Indicator (2017). Version originale avec des sous-titres anglais.