Comédie dramatique:
Simon Hesera et Roman Polanski

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4
On 26 juin 2023
Last modified:26 juin 2023

Summary:

Un film oublié, scénarisé et co-produit par Roman Polanski, qui a une place particulière dans son oeuvre et sa vie personnelle. Sombre et douloureux mais empreint de la poésie du désespoir

Un film oublié, scénarisé et co-produit par Roman Polanski, qui a une place particulière dans son oeuvre et sa vie personnelle. Sombre et douloureux mais empreint de la poésie du désespoir

A Day at the Beach (1970)

(Un jour sur la plage)

Réalisé par Simon Hesera

Ecrit par Roman Polanski d’après le roman de Heere Heeresma

Avec Mark Burns, Beatie Edney, Maurice Roëves, Jack MacGowran, Peter Sellers,…

Directeur de la photographie : Gilbert Taylor / Production design : William Hutchinson / Montage : Alastair McIntyre / Musique : Mort Shuman

Produit par Gene Gutowski

Comédie dramatique

UK

Tourné en 1969 et sorti dans quelques festivals en catimini en 1970, il faudra attendre 1992 pour que « A Day at the Beach » soit « retrouvé » par la Paramount à Londres. En 2009, le film sort en DVD outre-atlantique avec la mention « Le chef d’oeuvre perdu de Roman Polanski ». Ce dernier a écrit le scénario adapté du roman du même nom écrit par le poète et écrivain néerlandais Heere Heeresma. Mais s’il a participé au tournage et au montage, c’est le débutant Simon Hesera qui se retrouve derrière la caméra (on ne sait pas grand chose de ce dernier sinon qu’il a réalisé deux ans plus tard un documentaire israélien « Ben Gurion Remembers »). Polanski quittera brutalement la production quand il apprendra l’assassinat de sa femme Sharon Tate en août 1969.

Tourné au Danemark avec des acteurs britanniques (avec l’apparition de quelques stars amies de Polanski, Jack MacGowran et surtout Peter Sellers qui fait une apparition gratuite afin de satisfaire la Paramount alors en difficulté et frileuse dans ses investissements) « A Day at the Beach » s’inscrit parfaitement dans la filmographie de Polanski.

On retrouve le ton tragico-comique de « Cul-de-Sac » (1966), les rencontres insolites et les personnages hauts en couleurs. On y trouve aussi les envolées shakespeariennes mais absurdes du héros (Roman Polanski s’attaquera à « Macbeth » l’année suivante) et le désespoir poisseux du « Locataire » (1976).

« A Day at the Beach » n’est pas un film facile à regarder. Voir le paumé Bernie maltraiter son adorable nièce, Winnie (Beatie Edney), dont il a la garde pour la journée, en sombrant dans son long délire suicidaire alcoolisé, est douloureux, et on devine d’avance que la fin de la journée débouchera sur un drame dont on ne voudrait être témoin.

Dans son autobiographie « Roman par Polanski » (1984), Polanski met la faute de l’échec artistique du film sur la prestation de l’acteur anglais Mark Burns qui joue Bernie. Mais il faut bien dire que le rôle est loin d’être facile, et de mon côté je trouve que Burns s’en tire pas mal. In fine, la moindre réussite du film est surtout due aux tirades absconses de Bernie qui ne s’arrêtent jamais et finissent par engendrer lassitude et dégoût.

« A Day on the Beach » reste néanmoins empreint d’une sombre poésie appuyée par la photographie de Gilbert Taylor qui sublime la plage hivernale battue par la pluie et la noirceur de Bernie.

Quant au thème du film, il est indiscutablement tragique. Un film, où une petite fille, portant une prothèse, se retrouve à être la seule personne responsable face à son oncle paumé, mais aussi face aux autres adultes, spectateurs de la déchéance de Bernie, mais qui ne font rien pour la protéger.

Une histoire qui résonne comme un écho lointain à la jeunesse de Polanski qui s’apprêtait alors à devenir père pour la première fois (Sharon Tate était enceinte de huit mois quand elle a été assassinée). Rappelons que Polanski a réussi à sortir du ghetto de Varsovie à l’âge de 10 ans, et a subi de plein fouet l’horreur nazie. Ses parents et sa demi-soeur ont été déportées dans les camps de la mort (sa mère enceinte sera gazée à Auschwitz). On ne s’étonnera pas que Polanski ait conservé une vision assez pessimiste du monde des adultes vu à travers les yeux des enfants (en 2005, il adaptera d’ailleurs « Oliver Twist » de Dickens). Bien sûr, il y a aussi une certaine ironie glaciale dans le fait qu’en violant une adolescente de 13 ans en 1977, il se soit lui-même transformé en bourreau.

Au printemps 2023, « A Day at the Beach » est visible sur Netflix France dans une copie restaurée. C’est l’occasion de voir un film rare et qui reste important dans la filmographie et la vie de Polanski (même s’il n’en est pas le réalisateur).