En 1941, six nazis essaient de traverser le Canada pour rejoindre un pays neutre : les Etats-Unis. Atypique et audacieux !
49e_parallele

49th Parallel (1941)

(49e Parallèle)

Réalisé par Michael Powell

Ecrit par Emeric Pressburger et Rodney Ackland

Avec Eric Portman, Laurence Olivier, Leslie Howard,…

Directeur de la photographie : Freddie Young / Montage : David Lean / Direction artistique : David Rawnsley / Musique : Ralph Vaughan Williams

Produit par Michael Powell pour Ortus Films

123 mn

UK

1940. Un sous marin allemand qui vient de torpiller un navire marchand anglais arrive dans les eaux territoriales canadiennes. Cinq hommes, commandés, par l’officier Nazi Hirth (Eric Portman), sont envoyés à terre. Mais à peine ont-ils débarqué que des bombardiers canadiens coulent le sous marin allemand. Les six nazis sont livrés à eux-même en territoire hostile. Leur seul espoir : rejoindre les Etats-Unis, pays neutre. mais vont-ils survivre ?

49e parralèle

L’affiche française (de 1952) est assez moche, n’a rien à voir avec le film (les trois acteurs en question seraient les héros ? ben non). De plus la fille blonde en bas à droite de l’affiche n’existe pas

« 49e Parallèle » fait partie de ces films de propagande commandés par le service d’information britannique sous l’impulsion de Churchill. Le but de « 49e Parallèle » est clairement de pousser les Américains à entrer en guerre. De fait l’action se situe entièrement au Canada, territoire en guerre car faisant partie de l’empire britannique, afin de montrer que les Allemands pourraient bien frapper à la porte des USA plus tôt qu’ils ne le pensent (la fin du film – que je ne vous dévoilerai pas – est toute en ironie).

Le point de départ est également audacieux. Nous suivons pendant deux heures un road movie naturaliste avec six anti héros qui luttent pour leur survie, massacrant au passage ceux qui oseraient – souvent involontairement – se mettre en travers de leur route. Les Nazis sont très méchants mais, à l’exception de l’officier, moins manichéens qu’on n’aurait pu le craindre. Parmi eux, il y aura même un rebelle, rêvant de retourner à une vie paisible… mais qui le paiera de sa vie.

Le film abonde de moments inoubliables tragiques mais également comiques et en dialogues savoureux (le discours de Hirth devant les Hutterites, la rencontre des Nazis avec le trappeur québécois joué par Laurence Olivier ou avec l’ethnologue anglais excentrique campé par Leslie Howard).

Le film a été largement tourné en décors naturels au Canada (au périple de la vie notamment de Powell car il ne faisait pas bon de traverser l’Atlantique à cette période). Et même si pour l’occasion on aurait rêvé d’un technicolor flamboyant, les images sont – comme souvent avec Powell – tout simplement sublimes.

Les acteurs anglais ont été payés au tarif minimum, et dégagés de leurs obligations militaires le temps du tournage. On a ainsi droit à la présence magique de Laurence Olivier dans le rôle improbable d’un chasseur québécois (assez hilarant même si ce n’est probablement pas toujours volontaire) et Leslie Howard, toujours parfait dans les rôles de dandy anglais décalé et decadent qui se balade ici dans le Canada profond avec son Matisse et son Picasso. Mais la principale performance à souligner ici est celle d’Eric Portman, brillant dans son rôle d’officier nazi fidèle à ses convictions jusqu’au bout.

On sait que Powell n’est pas toujours tendre avec ses acteurs. Eric Portman, homme de théâtre déjà méfiant envers le cinéma, a eu quelques difficultés à s’adapter au style autoritaire de Powell. Mais les deux finiront par s’entendre assez bien pour tourner encore plusieurs fois ensemble par la suite. Ce ne fut pas le cas avec Leslie Howard que Powell descent assez violemment dans son autobiographie « Une vie dans le cinéma » (publié en France par l’Institut Lumière/Acte Sud) : « Son charme… était totalement artificiel (…) Je pense franchement qu’il n’aimait pas jouer la comédie (…) L’insolence cassante de son humour m’amusait, mais je ne l’aimais pas » (p448). Il est vrai aussi qu’Howard était le seul des acteurs à avoir protesté contre la participation de Powell et Pressburger aux bénéfices éventuels du film (une première pour eux), et en avoir demandé sa part ! Conclusion de Powell : « Il ne me permit jamais de l’oublier. Et de mon côté je ne lui permis jamais d’oublier que Leslie Howard, l’archétype du gentleman anglais, était en fait né en Hongrie ».

Le film a été monté par David Lean, qui ne devait passé à la réalisation qu’en 1942 avec « Ceux qui servent en mer » mais avait déjà une grande expérience de monteur. Celui-ci avoua quelques 40 années plus tard qu’il a dû travailler à partir de pas moins de six heures de pellicules.  Aveu qui effraya a posteriori Powell qui avait plutôt l’habitude de filmer le moins possible.

« 49e parallèle » est un vrai grand film de guerre qui figure parmi les meilleurs exemples du cinéma de propagande britannique. Période qui constitue pour certains l’age d’or du cinéma britannique, tant les réalisateurs se sont surpassés à cette époque pour créer un cinéma original, vivifiant malgré le cadre strict imposé. Sur ce sujet, n’hésitez pas à lire « Et le cinéma britannique entra en guerre …. » de Frédéric Rousselet (Editions  du Cerf -Corlet).

Le film est quand à lui disponible dans une superbe édition en coffret Institut Lumière (vost) donc vous n’avez aucune excuse pour ne pas le voir. A noter que depuis le film a été réédité chez Carlotta Films en blu-ray et DVD. Vous avez donc le choix !

DVD Institut Lumière. DVD du film + DVD bonus + livret. Film en version originale sous titrée en Français. Bonus en français ou vost.