Farce surréaliste et critique féroce de la Grande Bretagne thatchérienne, « Britannia Hospital » clôt tout en noirceur la trilogie Mick Tarvis.
Britannia Hospital (1982)
Réalisé par Lindsay Anderson
Ecrit par David Sherwin
Avec Leonard Rossiter, Malcolm McDowell, Graham Crowden, Brian Pettifer,…
Directeur de la photographie : Mike Fash
Produit par Davina Belling et Clive Parsons pour EMI Films
Comédie
116 mn
UK
L’un des plus grands hôpitaux de Londres, Britannia Hospital, est sur le point de fêter ses 500 ans. Pour l’occasion la Reine en personne va faire le déplacement. Mais le personnel est en grève, et des manifestants menacent de faire intrusion pour chasser un dictateur africain installé dans l’aile réservés aux clients privés de l’hôpital. Le département tout neuf de Recherche avancée est dirigé par un dangereux fou, le professeur Millar (Graham Crowden). Un reporter Mick Travis (Malcolm McDowell) s’immisce dans le bâtiment ultra sécurisé de Millar. Pendant ce temps, le directeur de l’hôpital Potter (Leonard Rossiter) est prêt à tout pour que l’anniversaire se passe dans de bonnes conditions.
Troisième et dernier volet de la trilogie politique Mick Travis de Lindsay Anderson et David Sherwin, « Britannia Hospital » est également le plus déconcertant et mal aimé.
Cette fois-ci, Mick Travis est un reporter de choc, qui après quelques années passées aux Etats-Unis, est de retour en Grande Bretagne. Il veut faire un reportage sur le Professeur Millar, une espèce de Docteur Frankenstein sans scrupule qui promet de ré-inventer l’homme.
L’hôpital de « Britannia Hospital » est une métaphore de la société anglaise au début du thatchérisme. Une société bloquée par les syndicats et les manifestations politiques, où les terroristes frappent à n’importe quel moment, où les richesses sont exploitées par des chefs d’entreprise opportunistes, avec sa noblesse dégénérée et détachée du réel et ses riches qui ont tout, ses média complaisants, et ses scientifiques qui se prennent pour les nouveaux Dieux. Personne n’est épargné par la satire, particulièrement féroce. Chaque couche de la société se bat pour ses propres intérêts et est prête à tout pour les défendre. La Grande Bretagne n’existe pas en tant que nation unifiée. D’ailleurs quand les manifestants se font tabassés, la fanfare continue à jouer l’hymne national.
Si « O Lucky Man’ (1973) marquait déjà une bonne percée dans le surréalisme par rapport à « If », « Britannia Hospital » s’aventure dans la Science Fiction et le gore (Mick Travis y est pour le moins maltraité !). La fin est particulièrement ironique, et ne laisse aucune porte de sortie. L’humanité n’a pas d’avenir. Nous sommes des « Dieux » condamnés à évoluer dans quelque chose de supra humain, dépourvu de toute émotion, en fait déshumanisé, pour assurer la survie de l’espèce.
Le ton très noir du film, mais également le côté presque secondaire du personnage de Mick Travis, ont pu déconcerter le public, même ceux qui avaient été convaincus par les deux précédents films. D’autant que les deux personnages qui se retrouvent au centre du film (le directeur de l’hôpital et le professeur Millar) ne sont pas vraiment des personnages sympathiques.
A noter le casting assez exceptionnel. On retrouve avec plaisir Leonard Rossiter (Barry Lindon) dans le rôle du directeur de l’hôpital, Jill Bennett dans le rôle de l’assistance dévouée et amante du professeur Millar, lui-même excellemment bien incarné par Graham Crowden. Mais on retrouve aussi Alan Bates dans le rôle d’un cadavre (!), Richard Griffiths dans le rôle du DJ de l’hôpital, ou Mark Hamill dans celui d’un bras cassé qui n’aura pas une mince responsabilité dans le destin funeste de Mick Travis.
Si on excuse son jusqu’au-boutisme et son côté décousu, « Britannia Hospital » est une conclusion tout à fait honorable et finalement logique à la trilogie Mick Travis. Ce dernier représente une sorte d’idéaliste qui est en fait la victime idéale du système. Qu’il finisse si mal est finalement mérité !
[xrr rating=8/10]
DVD Studio Canal. Version française et originale sous titrée en Français.