Review of: Pressure
Drame:
Horace Ové

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Rating:
4
On 28 octobre 2014
Last modified:24 mai 2020

Summary:

Premier "film noir" du cinéma britannique, "Pressure" est tout simplement un beau film plein d'humanité qui met en avant les contradictions et les histoires individuelles.

Premier « film noir » du cinéma britannique, « Pressure » est tout simplement un beau film plein d’humanité qui met en avant les contradictions et les histoires individuelles.

pressure-1975

Pressure (1975)

Réalisé par Horace Ové

Ecrit par Horace Ové et Samuel Selvon

Avec Herbert Norville, Oscar James, Frank Singuineau, Lucita Lijertwood, Sheila Scott-Wilkenson,…

Directeur de la photographie : Mike Davis

Produit par Robert Buckler

Drame

120mn

UK

Tom (Herbert Norville) est un jeune Anglais dont la famille est originaire de Trinidad. Même s’il a bien réussi ses études, l’arrivée sur le marché du travail est un choc. Il se rend compte rapidement que personne ne veut de lui. Il se pose alors des questions sur son futur et son identité, coincé à égale distance entre ses parents, ses amis blancs, son frère membre Black Panthers et ses amis délinquants.

« Pressure » est une pierre angulaire dans l’histoire du cinéma britannique. Il s’agit du premier film britannique « black » et à ma connaissance du premier film UK qui donne la parole à une minorité ethnique. Réalisé par Horace Ové, né à Trinidad et venu étudier le cinéma et la photographie à Londres, « Pressure » n’a pu voir le jour que grâce à l’appui du BFI.

Horace Ové y concrétise les talents de documentariste qu’il avait montré dans « Reggae » (1971) ou « Bladwin’s nigger » (1968). « Pressure » est filmé caméra au poing dans le Notting Hill populaire des années 70. Ové suit les personnages et les événements avec l’acuité d’un cinéaste toujours prêt pour l’imprévu. Il laisse également s’exprimer les opinions de chacun à travers l’histoire de Tom et de son entourage : ceux qui veulent s’intégrer à tout prix et considèrent encore les blancs comme les maîtres (sa mère), ceux qui ont abandonné une carrière pour le mirage anglais (son père), ceux qui veulent juste survivre (ses amis de la rue), ceux qui représentent sa vie insouciante d’avant (ses anciens camarades d’école blancs) ou encore ceux qui veulent que noirs se rassemblent pour combattre ensemble (son frère, membre des Black Panthers).

On craint le dérapage didactique souvent synonyme de lourdeur. Mais, même si « Pressure » est un superbe témoignage de la vie des immigrants noirs et des « Anglais » noirs de première génération, il va au-delà  du simple documentaire. C’est une vraie oeuvre de fiction. Avec l’écrivain Samuel Selvon (célèbre pour son roman « The Lonely Londoners »), Ové construit de vrais personnages inspirés de son expérience et celle de ses amis.

Le film n’hésite pas à se moquer et à montrer les travers de la communauté qu’il décrit. Le portrait de la mère Bopsie (jouée par l’impressionnante Lucita Lijertwood) est taillé à l’acide. A la fois élément comique et pathétique par sa façon de tout exagérer et sa volonté d’intégration à l’extrême.

Herbert Norville (qu’on avait déjà pu apercevoir dans quelques téléfilms et le « Bugsy Malone » d’Alan Parker) est très bon dans le rôle principal. Il est bien entouré par un casting professionnel et amateur.

Le ton du film reste toujours très politique et engagé. Si Ové à travers son personnage principal souhaite de toute évidence éviter le radicalisme anti-blanc (les amis blancs de Tom le traitent toujours avec respect), il montre aussi les conditions de vie, l’hypocrisie et le rejet qui peuvent amener les membres de la communauté antillaise vers un choix extrêmement restreint : acceptation d’une situation de fait pas si éloignée de l’esclavagisme, radicalisme politique, délinquance. La scène violente d’intervention policière pendant la réunion des Black Panthers pose aussi un regard assez dur sur le rôle de la police – la scène va inspirer d’ailleurs également la fin de « Babylon » (1980), un autre film sur la minorité noire largement redevable à « Pressure ». Mais là aussi on voit chez Ové la volonté de ne pas mettre tout le monde dans le même sac. Ainsi un policier refuse de lâcher le chien malgré les ordres de son supérieur.

La dernière scène du film (une manifestation ratée) montre tout simplement à quel point le combat de reconnaissance est et restera difficile dans une communauté minoritaire dont le premier souci reste la simple survie.

« Pressure » réussit à être un film humain autant que politique grâce à ses personnages et une mise en scène qui ne les oublie jamais. C’est tout le talent d’Horace Ové qu’on va retrouver par la suite dans plusieurs documentaires, téléfilms et une poignée de films.

DVD BFI « Pressure / Baldwin’s nigger ». Zone 2 UK. Version originale avec des sous titres anglais. Bonus : Interview avec Horace Ové (sous titrés anglais) / galerie photo / Livret