Review of: Morgan
Comédie :
Karel Reisz

Reviewed by:
Rating:
4
On 3 décembre 2018
Last modified:28 mars 2021

Summary:

Morgan est-il un doux rêveur ou fou dangereux ? Une comédie très réussie réalisée par Karel Reisz où excellent David Warner et Vanessa Redgrave

Morgan est-il un doux rêveur ou un fou dangereux ? Une comédie très réussie réalisée par Karel Reisz où excellent David Warner et Vanessa Redgrave

Morgan: A Suitable Case for Treatment (1966)

(Morgan)

Réalisé par Karel Reisz

Ecrit par David Mercer

Avec David Warner, Vanessa Redgrave, Robert Stephens, Irene Handl, Bernard Bresslaw, Arthur Mullard,…

Direction de la photographie : Larry Pizer / Direction artistique : Philip Harrison / Tom Priestley
et Victor Procter / Musique : John Dankworth

Produit par Leon Clore pour British Lion Film Corporation et Quintra

Comédie

97mn

UK

Morgan (David Warner) est un peintre désargenté qui ne peint plus et voit son mariage partir en fumée. Sa femme Leonie (Vanessa Redgrave), fille de bonne famille, lassée de son comportement enfantin, veut divorcer et épouser Charles ( Robert Stephens) un galériste d’art. Leonie donne de l’argent à Morgan pour qu’il parte en Grèce le temps qu’elle en termine avec la procédure de divorce. Mais Morgan rentre à Londres plus tôt que prévu, bien décidé à récupérer le coeur de Leonie avec une insistance qui frôle le harcèlement. Malgré son exaspération et la pression de son fiancé et de sa mère, Léonie n’arrive pas à recourir à la manière forte pour se débarrasser de Morgan.

Chassé de la spacieuse maison qui appartient à Leonie, Morgan s’installe dans la voiture de celle-ci qu’il couvre des portraits des « héros » du communisme (Marx, Lénine, Staline et Trotsky). Dans le coffre, il se lave et se prépare à manger sous les yeux abasourdis du policier du quartier… Mais surtout Morgan prépare sa revanche !

Il s’agit du troisième long de Karel Reisz, réalisateur d’origine tchèque et l’un des co-fondateurs du Free Cinema et donc de la nouvelle vague anglaise. Après le poignant drame social naturaliste « Saturday Night and Sunday Morning » (1960), Reisz s’est essayé au thriller dans l’injustement oublié « Night Must Fall » (1964) avant d’attaquer la comédie fantaisiste avec « Morgan: A Suitable Case for Treatment » (1966).

Le scénario est signé David Mercer. Déjà reconnu pour son travail à la télévision britannique, il signait ici son premier scénario pour le grand écran. Il récidivera sur « A Doll’s House » (1973) pour Joseph Losey et sur « Providence » (1977) pour Alain Resnais. Le scénario de « Morgan » est en fait tiré d’un autre scénario écrit par Mercer pour la BBC quatre ans plus tôt. Mais le personnage de Morgan, un écrivain alcoolique âgé de la quarantaine (interprété par Ian Hendry), y était beaucoup plus sombre que dans la version cinématographique.

Dans le film, Morgan est un doux dingue, certes dangereux pour lui et pour les autres car rejetant les codes sociaux et vivant dans une autre réalité. Amoureux des animaux et de cinéma, il se prend pour un gorille ou encore pour Tarzan mais pour Morgan, jamais ! C’est un personnage resté dans l’enfance, marqué sans distinction par King Kong, Tarzan ou encore les grandes figures du communisme vénérées par ses parents.

« Morgan » est une comédie dans l’air du temps. Il a un accent swinging london déjà bien incarné l’année auparavant à l’écran dans « The Knack… and how to get it » de Richard Lester. Le personnage de Morgan, baignant dans ses fantasmes, fait un peu penser à celui de Billy dans « Billy Liar » (1962) de John Schlesinger. Pour autant, les préoccupations sociales et politiques de l’époque y sont plus présentes que dans les deux films sus-nommés. Morgan est un prolétaire, avec un père marxiste mort durant une manifestation. Il a épousé une jeune femme de la bourgeoisie et sa belle famille ne peut évidemment supporter ce bon à rien d’une classe inférieure. Un temps attiré par la fantaisie de Morgan, Leonie a à présent envie de rentrer dans le rang. La condamnation de Morgan est sans appel, inévitable, pourtant malgré sa folie, il attise la sympathie du spectateur, et Leonie n’arrive pas à se débarrasser de lui.

Le film séduit aussi par la diversité de ses personnages bien troussés et délicieusement caricaturaux : de la belle-mère modèle de bourgeoise engoncée dans les conventions à la mère de Morgan une travailleuse courageuse et qui fête chaque année l’anniversaire de Marx en se rendant sur sa tombe, mais qui tout en se plaignant de sa vie difficile ne peut s’empêcher de chouchouter Morgan. Sans oublier l’infâme Charles, le galériste qui est aussi conventionnel que Morgan est fou, ou encore Wally le beau-père de Morgan, catcheur professionnel qui se bat sur le ring sous le doux nom du Gorille (oui il y a beaucoup de grands singes dans ce film).

Comédie atypique, frôlant l’absurde et le fantastique au rythme des fantasmes de son personnage central, « Morgan » rencontre un grand succès public et critique à sa sortie. Il est nominé pour deux Oscars et est présenté au festival de Cannes et de Locarno (où il obtient un prix spécial).

David Mercer, acteur prolifique (223 crédits à son actif et il tourne toujours !) excelle dans ce genre d’individus en marge de la folie (on pense à son rôle 11 ans plus tard dans « Providence » à nouveau sur un scénario de David Mercer). C’était son premier grand rôle au cinéma après une première apparition sur grand écran dans « Tom Jones » de Tony Richardson.

Dans le rôle de la femme de Morgan, on a le plaisir de voir Vanessa Redgrave, alors encore novice au cinéma (elle a juste tourné un film avec son père Michael en tête d’affiche « Behind the Mask » en 1958). Sa prestation lui vaudra le prix de la meilleure actrice à Cannes. Deux ans plus tard, Redgrave retrouvera Reisz dans son film suivant « Isadora »(1968) et remportera à nouveau le prix de la meilleure actrice à Cannes ! Ces deux films lanceront définitivement sa carrière au cinéma…. avec le succès que l’on sait.

DVD zone 2 FR. Studio Tamasa (2012). Version originale sous-titrée en français. Bonus : livret de 12 pages signé Philippe Pilard.